(r) protect me from what i want

Les vacances, enfin. Un sentiment de bonheur me fit sourire, à l'idée même que je n'ai plus le besoin de réfléchir à des devoirs, à en corriger, à me retrouver en tête à tête avec vingt enfants. J'avais beau adorer mon métier, enseigner mes connaissances était pour moi la plus belle chose que je faisais au quotidien, je savais cependant que je devais prendre de la distance avec ma vie, et les vacances arrivaient donc à pique. Ma vie avait été pas mal bouleversée ces temps-ci par l'arrivée impromptue d'une personne dans ma vie : Emma. Jusque là, tout avait toujours été facile du côté personnel de ma vie. Mon credo c'était de n'avoir aucune attache, et aucune possibilité de souffrir à cause d'une autre personne, ou pire, de mon propre comportement. Décidément oui, ça avait moins difficile de rencontrer de nouvelles personnes, d'en faire des amants ou des amantes d'un soir, et de revenir à une vie des plus normale le lendemain, sans jamais devoir me soucier d'une certaine éthique, ou d'un quelconque sentiment. Emma avait chamboulé ça. Elle était arrivée tel un ouragan, balayant toutes les prises de positions que j'avais jusqu'alors. Elle avait fait naître en moi quelque chose d'aussi beau que tragique : le sentiment que j'avais moi aussi, ma place dans le coeur et dans la vie d'une autre personne, mais que cette place était d'ors et déjà prise par son mari. Homme que je détestais sans même le connaître, le jalousant d'avoir la chance d'être aux cotés d'Emma. Pourtant, je préférais ne pas trop lui montrer qu'elle avait changé en moi plus de choses que je n'aurais voulu, qu'elle avait totalement modifié ma conception de la vie, et de l'amour. Amour, oserais-je parler d'amour ? L'idée seule que je puisse en être amoureuse alors qu'elle était mariée, me fit tressaillir. Pourtant, je ressentais le besoin de la voir, à chaque minute de chaque jour. Je n'avais jamais été du genre possessive ou jalouse, bien au contraire, chacun sa liberté et son indépendance, mais il fallait me faire à l'idée : je n'étais désormais que pleinement épanouie et heureuse à ses côtés. Je tressaillis à nouveau à cette idée. Cela me remuer le coeur de devoir avouer un tel attachement à une telle inconnue. Cela faisait plusieurs jours que je n'avais plus vu ses traits, ou sentis le contact de sa douce beau sous mes doigts. J'avais dès lors pris l'initiative de lui donner rendez-vous dans un endroit assez discret pour les témoins, et calme. Elle avait une peur bleue d'être vue en ma présence, dans un autre contexte qu'un rencontre parent/élève. Je ne tenais simplement plus à l'idée de l'avoir loin de moi trop longtemps.

Ce fut donc dans ce but, que je me vêtis d'une robe corail, où deux bandes noires dessinaient ma taille. Un sac de plage en main, je marchais quelques minutes, rejoignant finalement le lac. Il était encore tôt, et il n'y avait personne. Un sentiment de soulagement m'envahit. Je me laissais surprendre à admirer les vagues avec une subtile poésie dans le regard, m'installer alors à un endroit isolé, au cas où de nouveaux arrivants viendraient. Je sortis sans attendre une serviette de plage, la déposant au sol, sur le sable fin. M'installant dessus, je jetais un coup d'oeil à mon téléphone. Emma ne devait pas tarder, et cette idée me réjouissait.