(Leo & Franny) Remember what we used to be

Leo & Franny

‶Remember what we used to be″
---------------------------------

La chaleur était plus qu’éprouvante, elle avait oublié à quel point les températures pouvaient être élevées l’été. Elle passait pratiquement toutes ses journées en sous-vêtements chez elle, sous le ventilateur. Malheureusement, il lui fallait bien sortir, ne serait-ce que pour faire quelques achats histoire de ne pas mourir de faim. Voulant rattraper les choses auprès de Shawn, elle tenait à faire les choses correctement, voilà pourquoi elle se décida à enfiler ce qu’elle appelait une robe, mais qui avait probablement dû être considéré comme un tee-shirt long au moment où il était encore en magasin. Elle attendit qu’il soit suffisamment tard pour que la température retombe un peu et commença par le supermarché où elle fit quelques courses afin de remplir un peu les placards de la cuisine. Puis, elle se rappela juste à temps qu’elles commençaient à manquer sérieusement de pain. Bon, le prendre si tard n’était pas l’idéal, mais au moins elle avait encore un peu de temps avant que ça ne ferme. Elle ne tarda pas à y arriver et se plaça dans la file d’attente. Occupée à pianoter sur les touches de son portable pour passer le temps, elle ne remarqua pas tout de suite la silhouette de l’homme qui se trouvait devant elle. Ce ne fut que lorsqu’il passa commande, lorsqu’elle entendit sa voix qu’elle releva brusquement la tête, surprise. Leo ? Oui, c’était bien lui. Evidemment, elle se doutait qu’il devait toujours vivre ici et qu’elle allait le recroiser un jour, après tout ce temps, après tout ce qu’il s’était passé. Elle réalisa qu’ils n’avaient jamais vraiment rompu. Elle était simplement partie, sans dire au revoir, ni à lui ni à personne d’autre d’ailleurs. Peut-être avait-il oublié, peut-être lui en voulait-il encore aujourd’hui, en tout cas ce n’était pas en restant plantée là sans rien faire qu’elle pourrait le savoir. Elle lui tapota sur l’épaule afin d’attirer son attention et esquissa un sourire lorsqu’il se retourna. « Salut. » Il n’avait pas changé, pas vraiment. Elle le voyait à vingt-huit ans et avait l’impression de se retrouver propulser en arrière face au jeune homme de dix-huit ans qu’elle avait réellement aimé, mais qu’elle avait quitté. A ce moment l’employé de la boulangerie lui demanda ce qu’elle désirait et elle commanda rapidement le pain qu’il lui fallait avant de se tourner de nouveau vers Leo. « Tu me reconnais ? Je n’ai pas tant changé que ça je crois. » Ce n’était pas aussi facile qu’elle l’avait cru. Elle n’était pas certaine de savoir comment se comporter face à lui, après tout ce temps et ne sachant pas comment il la considérait à présent. Aurait-il envie de lui parler ou au contraire de l’envoyer promener ?

Je n'ai connu l'amour, le véritable amour, qu'une seule fois dans ma vie. C'était il y a des années de cela. Je n'étais pas bien différent d'aujourd'hui, si ce n'est que j'avais une sacré coupe de cheveux- mais tendance à l'époque ! Et, cette histoire, c'est avec Franny que je l'ai vécue. Ma Fran. Cette fille qui s'est barrée du jour au lendemain. Sans dire un mot. Exactement cette même personne qui vient de tapoter sur mon épaule, oui. Mon cœur s'arrête net de battre. Je ne m'y attendais pas. Non, je ne m'attendais pas à ça. Pas à elle. Elle me salue, mais j'hésite à répondre. Mon éducation me force à le faire. J'esquisse un sourire. Plus par politesse que par envie. Puis, elle me demande si je la reconnais. Et comment.. Ce regard, je le connais par cœur. Elle aussi est passée chez le coiffeur depuis le temps. « Fran.. Franny Carleton. » Je secoue la tête de haut en bas, le regard vide d'émotions. La boulangère m'interpelle. J'attrape la baguette qui m'est tendue et me range sur le côté. Tandis que Fran passe à son tour commande, des millions de questions cogitent dans ma tête. La première étant: "pourquoi ?". Juste "pourquoi ?". Je me souviens avoir souffert de son départ. Une douleur vive et poignante. Je l'ai vécu comme une trahison. Nous étions supposés finir ensemble. Mais, ce n'était qu'une histoire d'adolescents. Rien de sérieux. Elle est servie à son tour, et marchant à ses côtés, nous sortons de la boulangerie pour nous poser juste devant. Je baisse la tête puis finis par prendre la parole, rompant ce silence presque gênant : « J'aimerais tellement te dire que ta présence, aujourd'hui, me réjouit.. » Je relève les yeux, puis commence à rire nerveusement. « J'étais passé au commissariat pour signaler ta disparition, tu le sais ça ? J'avais fais le tour des hôpitaux du coin pour m'assurer qu'il ne t'était rien arrivé. » Je continue de rire, plus sous l'effet du stress qu'autre chose. « Tu m'as pris pour un bel imbécile. Je n'ai absolument pas envie de reprendre contact avec toi. Ni de jouer aux hypocrites en te saluant dans la rue. » Je passe ma main dans mes cheveux, plongeant mon regard dans le sien. Ces grands yeux bleus.. j'étais amoureux de ces grands yeux bleus. « Ne me tapote plus l'épaule, ne prononce plus mon nom, j'ai rien à voir avec toi. » Je n'ai pas l'habitude d'être aussi franc, encore moins d'être méchant, mais disons que mes propos ne sont pas injustifiés. Je préfère mettre les points sur les "i" dès maintenant.

Leo & Franny

‶Remember what we used to be″
---------------------------------

Elle l’avait aimé, tellement fort... Jamais elle n’avait retrouvé quelque chose qui y ressemble depuis, de près ou de loin. Elle n’était qu’une adolescente à l’époque, c’est vrai, mais ce qu’elle avait éprouvé n’en avait pas moins été bien réel, tout comme la douleur qu’elle avait ressentie à cause de cette séparation qu’elle leur avait imposée. Les retrouvailles, elle en avait tant fait à présent qu’elle commençait à s’y habituer, en quelques sortes, mais celle-ci était différente, si étrange. Après tout ce temps, le revoir lui faisait encore quelque chose, au point qu’elle en était surprise. Elle ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. Il était toujours le même, mais en même temps plus adulte. Et mieux coiffé surtout, quoiqu’elle se souvenait avoir adoré ses cheveux en bataille à une époque. Enfin il prononça son nom, ce qui la rassura. S’il l’avait oubliée son amour-propre en aurait pris un coup. « Oui, c’est bien moi. » Elle était gênée, ce qui lui arrivait rarement. Habituellement elle parvenait toujours à dire quelque chose, en général ce qui lui passait par la tête. Mais cette fois-ci, rien. Elle sentait la tension monter, dans l’attente de ce qu’il allait dire, ou faire. C’est à peine si elle eut la présence d’esprit de prendre son pain. Elle le suivit à l’extérieur, où l’attente ne fut guère plus longue. Elle s’était attendue à ce qu’il lui en veuille, à essuyer des reproches, mais elle avait espéré que ce serait un peu moins violent, un peu moins douloureux. Elle lui avait fait du mal, elle l’avait toujours su, mais le voir ainsi face à elle rendait les choses beaucoup plus réelles et réveillait sa culpabilité. Elle n’avait jamais su qu’il l’avait cherchée. Il fut clair, il ne voulait plus rien avoir à faire avec elle. Quelqu’un de plus raisonnable aurait ravalé sa honte et accepté cette décision. Mais après avoir passé des mois en hôpital psychiatrique, à avoir enchaîné thérapies et traitements, elle n’avait plus rien de raisonnable. Elle réagit lorsqu’elle le vit s’éloigner. « Hey ! » Elle le rattrapa et se plaça juste devant lui, avançant alors à reculons. « Ne t’en vas pas comme ça ! Je sais que tu m’en veux et je le comprends, mais j’avais mes raisons, de bonnes raisons crois-moi... » Sauf qu’elle ne pouvait pas les lui dire, qu’elle n’y arriverait pas. Tout le reste n’avait pas de mal à sortir, mais ça, ça c’était trop. « Qu’est-ce que tu dirais de prendre un verre ? Juste pour parler. Je t’invite. Et je te suivrai jusqu’à ce que tu dises oui. » Elle en était bien capable et s'il le fallait elle irait jusque chez lui et dormirait sous ses fenêtres.

Je suis impulsif. Très impulsif. Bien que je ne sois pas quelqu'un de foncièrement méchant, en général, une remarque suffit à me faire démarrer au quart de tour. Je dois dire que malgré le fait que j'ai plutôt bon caractère, j'ai beaucoup de mal à contenir ma colère. Davantage depuis que je m'adonne à des jeux d'argent. Ainsi, le fait de revoir Fran, aujourd'hui, dans cette boulangerie, réveille en moi un milliard de sentiments. La colère, en premier. Du jour où j'ai appris qu'elle avait fuit jusqu'aujourd'hui, je n'ai jamais cessé de lui en vouloir. Pas une seule seconde. C'est le comble pour un fils de pasteur à qui l'on a inculqué, dès l'enfance, le pardon, me direz-vous. Mais même si je n'étais encore qu'un enfant, un adolescent, cette histoire je l'ai vécue avec beaucoup de passion. A tel point que le jour où elle a disparu, j'ai pensé à tout plaquer. Fran, c'était juste la femme de ma vie. Evidemment, on n'est pas bien sérieux lorsqu'on a dix-huit ans, mais à l'époque j'aurais pu donner ma vie pour la sienne. Ainsi, lorsque je prononce son nom et qu'elle acquiesce, un énorme frisson parcoure mon corps. Quelque part, j'espérais m'être trompé de personne. Mais, c'est tellement évident. Cette voix, ce visage ne pouvaient être que les siens. Nous sortons donc devant la boulangerie où, en une fraction de secondes, je lui déballe ses quatre vérités. Je conclus en certifiant en avoir terminé avec elle. Définitivement. Et suite à cette dernière réflexion, je décide de m'éloigner d'elle, empruntant le chemin vers la voiture. Soudain, sa voix retentit à nouveau. Je préfère l'ignorer. Mais Fran n'a jamais été du genre docile. Alors, même si j'ai avoué ne plus vouloir lui adresser la parole un peu plus tôt, la jeune femme réapparaît devant moi, marchant à reculons tandis que j'avance toujours vers ma voiture, garée une rue plus loin. Elle m'assure ne pas être partie pour rien, qu'elle avait de bonnes raisons. Mais, j'ai du mal à y croire. Lorsqu'on aime, on ne part pas. Voyant que je ne réagis pas, elle me propose d'aller boire un verre, certifiant qu'elle n'hésiterait pas à me suivre jusque chez moi s'il le fallait. La Fran que je connaissais en aurait été capable aussi. Je m'arrête net en plein milieu du trottoir, mes baguettes toujours en main, puis finis par expirer. « Je t'écoute. » Je ne peux pas être plus clair que cela. Elle veut une seconde chance ? « Quelles étaient ces raisons ? » Si tant soit peu qu'elle en ait réellement. Chose dont je doute fortement. Qu'est-ce qui pousserait une jeune fille à partir sans prévenir du jour au lendemain ? Abandonnant tout. Amis, famille. Et amours.

Leo & Franny

‶Remember what we used to be″
---------------------------------

Elle ne voulait pas, non, elle ne pouvait pas laisser la situation s’envenimer. Pendant des semaines, des mois et même davantage, il lui avait manqué. Elle avait voulu l’appeler, et même lui écrire, des lettres qu’elle n’avait jamais envoyées. Sa colère était plus dure à supporter que celles de tous les autres, même celle de Shawn, peut-être parce qu’au fond d’elle elle savait que tôt ou tard, sa petite soeur finirait par lui pardonner. Mais avec Leo, rien n’était moins sûr, et cela lui faisait terriblement peur. Elle n’était pas optimiste au point de croire que son départ n’aurait pas laissé quelques traces. Ses parents avaient dû être tentés de dire la vérité aux gens pour qui elle avait compté, mais elle constatait qu’ils avaient malgré tout su garder le secret, malgré les douleurs que cela pouvait infliger. Elle en était désolée. Elle était loin d’être parfaite, elle n’était pas toujours délicate dans ses propos et dans ses actes, mais elle détestait faire de la peine aux gens, encore plus à ceux qu’elle aimait. Si elle avait pu revenir en arrière, peut-être aurait-elle tout fait différemment. Mais c’était trop tard à présent, et tout ce qu’elle pouvait faire, c’était essayer de le réparer, ou du moins, d’arranger les choses autant que possible. Qu’il lui en veuille était peut-être plus douloureux que tout le reste. C’était il y a longtemps, oui, mais ce qu’ils avaient partagé, elle ne l’avait connu nulle-part ailleurs et leurs souvenirs communs étaient précieux à ses yeux. Voilà pourquoi elle l’avait rattrapé, voilà pourquoi à présent, elle insistait. Mais c’est alors qu’il posa la question, la question à laquelle elle ne pouvait répondre. Il était logique qu’il la pose, comme tout le monde, et pourtant, sans vraiment savoir pourquoi, elle s’en sentit heurté. Elle était passée maîtresse dans l’art de l’éluder, de changer de sujet, ou de fournir une réponse vague. Mais cette fois-ci, elle se retrouva figée. Et elle voulut le lui dire, sincèrement, mais c’était comme si une énorme boule s’était formée à l’entrée de sa gorge, empêchant les mots de sortir. « Je... » Ses yeux s’agrandir et elle le regarda, l’air désespérée, comme si elle avait été sur le point de fondre en larmes. Perturbée, elle recula d’un pas, puis tourna les talons, avant de sembler brusquement changer d’avis et revenir vers lui reprendre sa position initiale. « Je peux pas te le dire. » Puis, elle baissa les yeux, fixant le sol. Des années de thérapie, des mois d’internement et elle n’en était toujours pas capable. Elle aurait volontiers ri, si la situation avait été différente. Mais pour le moment, tout ça n’avait rien d’amusant. Il attendait une réponse, une explication qu’elle était incapable de lui fournir. Ca faisait trop longtemps, bien trop longtemps. Elle avait besoin de temps, de réapprendre à le connaître, et peut-être qu’un jour, elle lui dirait tout... Mais pas maintenant, pas comme ça en pleine rue alors que ses yeux auraient probablement lancé des éclairs pour la foudroyer s’ils l’avaient pu. « Tu peux me demander n’importe quoi d’autre si tu veux. »

Je me souviens de nos premiers baisers, nos premiers émois. Je me disais toujours que mon père finirait par nous marier. Je n'ai jamais aimé personne comme j'ai pu l'aimer elle. Tout, absolument tout chez elle me rendait dingue. Son sourire, son regard et même ses petites mains qui venaient se glisser sous mon t-shirt. Puis, elle est partie. Du jour au lendemain, plus de nouvelles. Plus de messages, plus d'appels, rien. Disparue. J'ai attendu une semaine avant de me rendre au commissariat. Ma signalisation a tout de suite été prise très au sérieux puisque ses parents ont été contactés assez rapidement. Puis, j'ai finis par comprendre. On ne l'avait pas kidnappée ou tuée. Non, elle m'avait juste abandonné. Dire qu'elle disait m'aimer. Après réflexion faite, je me demande si elle ne s'était pas juste foutu de moi. Mais peut-on faire semblant d'aimer comme elle m'a aimé ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Et à vrai dire, je ne m'en soucie plus aujourd'hui. Je me suis assez pris la tête avec cette histoire pendant un an. Aujourd'hui, j'ai grandis. Je n'ai pas beaucoup changé, mais j'ai mûri. Alors lorsqu'elle vient me barrer la route pour justifier son comportement, je préfère simplement l'ignorer. Mais très vite, elle se fait un peu plus insistante et je finis par m'arrêter. Quelles excuses peut-elle trouver ? Je n'en vois aucune. Et apparemment elle non plus. Ou du moins elle dit être incapable de me les donner, qu'elle préfèrerait répondre à n'importe quelle autre question plutôt que de répondre à celle-ci. Mais, rien ne m'intéresse plus que ses prétendues excuses pour l'instant. Alors, je commence à ricaner nerveusement. Il y a quelques années de cela, j'aurais finir par lâcher l'affaire et la prendre dans mes bras. Car je ne supportais pas de la voir mal en point. Mais ce temps est révolu. Bel et bien révolu, oui. « Non. Je ne veux pas. » Je baisse la tête, ne supportant finalement pas de la voir comme ça. « Je n'ai plus envie de te voir Fran, va-t'en, ignore-moi. On a rien à se dire. Du moins pas tant que tu ne m'expliqueras pas ce qui t'est passé par la tête à ce moment-là. Ou non, tu sais quoi ? Je m'en fiche. Ca ne m'intéresse plus. Je n'ai même plus envie de savoir pourquoi tu m'as lâché comme une merde. » Je recommence à rire nerveusement, la regardant droit dans les yeux cette fois-ci. « Sérieusment, tu te foutais tant que ça de moi ? »

Leo & Franny

‶Remember what we used to be″
---------------------------------

Il voulait la fuir, c’était évident. Mais le laisser partir aussi facilement, c’était hors de question. Elle avait toujours été tenace, en cela, elle n’avait pas changé. Il est vrai que tout cela pouvait sembler un peu absurde : après toutes ces années, elle aurait dû accepter le fait qu’il ne veuille plus qu’elle fasse partie de sa vie. C’était elle-même qui avait provoqué cette situation, quelle qu’en soit la raison, elle devait en assumer les conséquences. Du moins, elle l’aurait dû, mais elle était incapable de le lâcher si facilement. Elle se figurait qu’elle ne faisait que suivre les conseils des thérapeutes, à savoir qu’elle devait renouer avec sa vie d’avant, avant que tout ne dérape complètement. Mais en réalité, c’était autre chose, elle le sentait. De tous les fantômes de son passé, Leo était peut-être celui qui prenait la plus grande place. Leur séparation était sans aucun doute son plus grand regret, et surtout la manière dont elle s’était comportée. A présent qu’elle le voyait aussi en colère, aussi blessé, le regret était d’autant plus fort, même après dix longues années de séparation. Il avait dû faire sa vie de son côté, sans aucune doute, et pourtant le revoir lui donnait presque l’impression que rien n’avait vraiment changé, ce qui était plutôt déroutant. Lorsqu’il refusa une fois encore de lui parler, elle ne put cacher sa déception, mais au fond comment aurait-elle pu lui en vouloir ? Néanmoins, ce n’était pas pour autant qu’elle comptait s’avouer vaincue. « Je n’ai pas envie de t’ignorer et on a des choses à se dire. Je ne peux juste... pas. Pas ici, pas maintenant en tout cas. » Lorsqu’il se mit à rire, elle se sentit complètement déroutée, ne sachant plus quelle attitude adopter. La question qu’il lui posa ensuite, elle ne s’y était pas non plus attendue, mais la réponse fusa instantanément. « Non. Je t’aimais plus que tout. Et je n’ai jamais rien connu qui y ressemble depuis. » Elle esquissa un léger sourire. C’était sans doute un peu direct, mais la thérapie l’avait rendue bien plus franche qu’avant, un peu trop peut-être. « J’ai voulu te contacter, mais je n’ai jamais réussi à aller jusqu’au bout. Je comprends très bien que tu me détestes, mais si ça peut te consoler un peu les choses n’ont pas été faciles pour moi non plus, j’ai même dû passer pas mal de temps en hôpital psychiatrique. Disons que j’ai un peu perdu pied. » Comme à chaque fois qu’elle était gênée, embarrassée, elle se mettait à parler un peu trop. Et comme à chaque fois qu’elle parlait de son internement, elle prenait un ton léger, parce qu’elle en avait l’habitude maintenant, et peut-être un peu par mécanisme de défense.

Après le départ de Franny, j'ai mis un bon moment avant de pouvoir "refaire ma vie". Au fond de moi, quelque part, j'étais persuadé qu'elle finirait par revenir. Et sans doute, à cette époque lui aurais-je pardonné. Mais les années passèrent et rien. Toujours pas de Fran à l'horizon. Je me souviens m'être délecté de tout objet pouvant se rapporter à elle. Photos, cadeaux, vidéos, j'ai finis par tout jeter. Mais lorsque j'ai souhaité évincer les souvenirs de notre amour de ma mémoire, je me suis rendu compte qu'à jamais elle ferait parti de moi. Avec le temps, la douleur s'est estompée. Puis, elle a disparu. J'ai fais mon "deuil", je suis passé à autre chose. J'ai recommencé à flirter avec la gente féminine, à séduire. Mais indéniablement, ma plus belle et longue histoire d'amour reste la jeune femme. Si aujourd'hui je ne ressens plus que de l'amertume à son égard, je dois avouer que la flamme qui brûlait pour elle, dans mon cœur, a mis longtemps avant de s'éteindre. Alors lorsqu'elle est réapparue devant moi, tout à l'heure, mon corps tout entier s'est mis à frémir. Elle a du culot, tout de même. Me laisser en plan comme un abruti et revenir dix ans plus tard pour faire comme si de rien n'était. Si elle pensait que j'allais la serrer dans mes bras, elle avait tout faux. Je lui en veux énormément et Dieu sait combien je suis rancunier. Alors, elle pourra trouver toutes les excuses qu'elle voudra, je ne saurai fermer les yeux sur ce qu'elle a fait de si tôt. Je lui demande donc de s'expliquer avant de me résigner. Car au fond, elle ne m'intéresse plus. Sa vie ne m'intéresse plus. Oubliée, la Franny. Je ne l'exècre pas. Non, je suis juste "un peu" remonté. « Non, tu te trompes. On a absolument rien à se dire. », dis-je en secouant la tête de droite à gauche. Au final, elle ne me doit aucune explication. Elle s'est barrée, c'était son choix. Pour les regrets, il fallait y penser avant. Avant d'avoir brisé mon cœur et, par la même occasion, heurté mon égo. Je me souviens des remarques des copains qui disaient me plaindre. Je n'ai jamais souhaité invoquer la pitié de qui que ce soit, moi. Finalement, elle m'avoue n'avoir jamais connu une histoire semblable à la nôtre par la suite. Je suppose que je devrais me sentir flatté ? Pourtant, non. Cette histoire, on aurait pu la continuer si elle n'était pas partie comme ça, sans rien dire. « Tu voulais, mais tu ne l'as pas fait. C'est tout ce que je retiens. » Je ne sais pas très bien comment réagir lorsqu'elle évoque son passage en hôpital psychiatrique, mais si elle s'attend à ce que je me mette subitement à la plaindre, elle se fourre le doigt dans l'œil. « Si tu avais des problèmes, il fallait que tu m'en parles, Fran. Je t'aimais à la folie, j'aurais déplacé des montagnes pour toi. Je ne comprends pas.. Comment t'as pu partir sans penser au mal que tu causerais autour de toi ? Et Shawn.. T'avais pensé à Shawn ? » Car au-delà de notre histoire, c'est toute une vie qu'elle a laissé derrière elle il y a dix ans de cela.

Leo & Franny

‶Remember what we used to be″
---------------------------------

Elle ne pouvait pas revenir en arrière, et elle le regrettait. C’était comme ça. Elle regretterait probablement toujours de ne pas lui avoir donné au moins un signe de vie. Elle avait mis du temps à revenir, mais elle était là à présent et elle voulait croire qu’un jour elle serait capable de tout lui raconter. Ou au moins de demander à Nick de le faire pour elle. D’accepter que les gens sachent ce qu’il s’était passé, même si cela l’obligerait à tout revivre, et pire, à essuyer les regards de pitié. Elle détestait qu’on ait de la peine pour elle, simplement parce qu’elle estimait que ça n’avait pas lieu d’être. Oui, sa vie était loin d’être parfaite, oui elle avait un caractère parfois un peu spécial, mais aussi surprenant que cela puisse paraître, elle aimait toutes ces facettes d’elle-même et elle vivait avec. Elle avait des regrets, mais elle n’était pas certaine qu’elle aurait voulu être différente. Alors il n’y avait pas de quoi être triste ou pleurer sur son sort. Elle ne voulait pas s'appesantir sur le passé, tout ce qu’elle voulait c’était penser à l’avenir et à la manière dont elle allait pouvoir recoller les morceaux avec ceux qu’elle avait laissés derrière elle. Mais comment faire, quand tout ne cessait constamment de la ramener en arrière ? Leo avait le droit de savoir ce qu’il s’était passé, peut-être plus que les autres à l’exception de sa soeur et elle regrettait profondément de ne pas pouvoir satisfaire sa curiosité pour le moment. Il n’avait pas envie de lui parler, malgré son insistance, et elle n’avait pas envie d’abandonner, même si elle savait qu’il ne lui pardonnerait peut-être jamais d’être partie comme ça. Elle encaissait ses reproches sans protester. « Moi non plus je ne comprends pas vraiment, même après toutes ces années. » Et c’était vrai. Malgré toutes les thérapies, malgré tout le chemin qu’elle avait parcouru, tout ce qu’elle avait réalisé, il restait une part de mystère. « Sur le moment, je ne pouvais pas. Je ne saurais pas te l’expliquer, je peux seulement de dire que je suis vraiment désolée. Même si ce n’est pas suffisant pour toi, je le sais. » Qu’il parle de Shawn, elle ne s’y attendait pas vraiment. Ce qu’il se passait avec sa soeur ne regardait qu’elles, mais elle lui répondit néanmoins. « Je n’ai pensé qu’à elle, mais elle était si jeune... Avec mes parents, on avait pensé... » Elle s’interrompit et secoua la tête. Il était inutile qu’elle se justifie, cette décision avait été prise et il s’agissait d’histoires de famille. « Peu importe, on ne peut pas revenir en arrière. Mais je compte bien passé des semaines, des mois ou même des années à essayer de me racheter auprès d’elle. Et de tout le monde. Je suis là maintenant, je ne compte aller nulle-part. » Elle n’avait fait que répondre à ses questions jusqu’à présent, alors qu’elle éprouvait au moins autant de curiosité à l’égard du jeune homme. Les rares fois où elle avait téléphoné à ses parents, elle leur avait demandé de ses nouvelles, mais les informations qu’ils avaient pu lui donner avaient souvent été trop vagues à son goût. « Je sais que tu m’en veux, et tu n’es pas obligé de me répondre mais... comment est ta vie ? Est-ce que tu vas bien au moins ? » Elle fixa ses prunelles bleues sur lui, avec le regard pénétrant qu’elle avait toujours eu lorsqu’elle attendait une réponse honnête.

C'est trop facile. Elle se barre et me laisse sans nouvelles pendant dix ans. Puis, elle revient comme s'il ne s'était rien passé entre temps. Je n'ai aucune raison de lui pardonner. Ni de lui adresser la parole au final. Et pourtant, je suis là, planté devant la jeune femme, attendant qu'elle daigne justifier ses actes. Au fond, son comportement me perturbe. Pourquoi cherche-t-elle tant à se faire pardonner ? Elle m'a quitté si facilement.. Pourquoi revenir à la charge des années plus tard ? Ce n'est pas cohérent. En fait, rien n'a de cohérence dans tout ce qu'elle peut dire ou faire. Elle s'excuse encore une fois. Mais, elle a raison: ça ne me suffit pas. Ca ne me suffit plus. Il est trop tard aujourd'hui. Le mal a été fait et j'ai tourné la page depuis bien longtemps déjà. En fait, j'ai même changé de livre. Je suis passé du tome un au tome deux. Et, il serait temps qu'elle comprenne cela. J'ai décidé de refaire ma vie après son départ. Sans elle, sans les souvenirs de notre vie passée. « Quand on veut, on peut. », je me contente de balancer alors qu'elle confie ne pas avoir pu me donner les raisons de son départ à l'époque. Puis, je ne demandais pas tant qu'elle se justifie. Juste qu'elle me prévienne. En passant, j'ai évoqué le nom de sa petite sœur dans notre conversation. Je n'aurais peut-être pas dû, ne devant certainement pas me mêler de ses affaires familiales, mais il me semble bien qu'elle ne m'a pas juste abandonné moi. Non, derrière elle, elle a laissé beaucoup de cœurs brisés. Quelque part, je la trouve égoïste. Et lâche. Vraiment lâche. Je la pensais si courageuse. Quelle erreur. « C'est trop facile, Fran. Maintenant que le mal a été fait, tu ne peux pas juste revenir comme ça et demander à ce que tout le monde te pardonne. Tu es partie, c'était ton choix, mais alors tu dois accepter les conséquences de tes actes. Et aussi accepter le fait que certaines personnes ne te pardonneront sans doute jamais. » Je baisse à nouveau les yeux vers le sol puis reprends la parole: « Et je fais partie de ces gens-là. » Aussi, je décide d'ignorer ses dernières questions concernant ma vie maintenant. Qu'est-ce que ça peut bien lui faire ? Je la regarde droit dans les yeux. Je connais ce regard pénétrant par cœur. Mais il ne me procure plus les mêmes sensations qu'antan. Non, aujourd'hui, il me refroidit plus qu'autre chose. « Bonne journée, Franny. », conclus-je finalement avant de reprendre ma marche, m'attendant quelque part à ce qu'elle se remette à me suivre. La fran que j'ai connu avait un minimum de fierté. Mais qu'en-est-il à présent ?

Leo & Franny

‶Remember what we used to be″
---------------------------------

Elle commençait doucement mais sûrement à en avoir assez. Elle savait qu’elle méritait d’essuyer la colère, d’essuyer des reproches, et pour cette raison, elle était toute prête à laisser sa fierté de côté et à les accepter. Mais là c’était trop. Depuis son retour, elle ne s’était pas confrontée à une réaction aussi violente, car à demi-mot, même si elle ne disait pas tout, les gens devinaient. Même sa soeur avait compris qu’il s’était passé quelque chose, quelque chose de grave et même si elle lui en voulait vraiment, elle ne se conduisait pas de la sorte avec elle. Il la regardait de haut et lui signifiait clairement qu’il ne voulait plus qu’elle fasse partie de sa vie. Elle trouvait étrange qu’il manifeste à ce point être passé à autre chose tout en semblant incapable de lui pardonner. D’ailleurs, elle se demanda si la religion tenait toujours une place importante dans sa vie, une religion qui justement préconisait le pardon. Il était d’ailleurs assez ironique que ceux clamant de beaux principes soient les premiers à volontiers s’asseoir dessus. « Quand on veut on peut. » Lorsqu’il prononça ces mots, elle faillit éclater de rire. Une vraie leçon de morale. Que croyait-il, que les choses étaient si simples ? Ils étaient adultes maintenant, était-il toujours considéré comme le garçon parfait ? Il n’empêche qu’entendre qu’il ne lui pardonnerait jamais la blessa réellement, mais cela eut aussi le mérite de la faire réagir : même si elle avait commis une erreur, même si elle lui avait fait du mal, elle ne méritait pas qu’il lui parle de cette manière. « Hey ! » Elle l’interpella de nouveau, mais cette fois, son ton n’était plus du tout le même. Elle était en colère. De nouveau elle le rattrapa, de nouveau elle se plaça devant lui. « Tu sais quoi ? Tu as le droit de m’en vouloir, je le comprends. Tu as le droit d’être en colère. Je sais que j’ai fait du mal à beaucoup de monde. Mais tu sais quoi ? Je suis humaine, je ne suis pas parfaite et j’ai fait une erreur ! Contrairement à ce que tu crois, je sais que ce ne sera pas facile, mais au moins je l’admets, et je suis là maintenant, prête à tout faire pour recoller les morceaux. Tu n’as pas à me mépriser, non pas toi, pas après ce qu’on a vécu et qui a existé, que tu le veuilles ou non ! Comment tu oses me juger de cette manière, alors que tu ne sais même pas ce qu’il s’est passé, que tu ne veux pas entendre ce que j’essaie de te dire ? Tu crois que tu es tellement meilleur que moi, pas vrai ? Tu n’as jamais rien fait de mal toi peut-être ? » Elle s’arrêta un instant et le regarda, comme si elle le voyait pour la première fois de sa vie. Le Leo qu’elle avait connu n’aurait jamais réagi de la sorte. Lorsqu’elle reprit, sa voix était beaucoup plus calme. « Tu sais quoi, j’ai compris. Tu n’as visiblement pas envie de m’écouter et apparemment je ne suis plus rien pour toi. Je ne peux pas te forcer à m’écouter si tu n’en as pas envie. » Elle ferma les yeux un instant. Elle n’avait aucune, non aucune envie de pleurer devant lui. Certainement pas. « Tu peux oublier que tu m’as croisée et oublier que je suis ici. Tu n’as qu’à retourner auprès de ta femme, tes enfants, ou que sais-je. Je ne t’ennuierai plus. J’arrête. » Tout en prononçant ces mots, elle s’éloignait de lui. Mais elle ne réalisa pas qu’en marchant à reculons et en expulsant son ressentiment, elle était trop occupée pour regarder et entendre ce qu’il se passait sur la route qu’elle était sur le point de traverser. Ainsi, elle descendit du trottoir, sans s’apercevoir qu’une voiture roulait à toute allure et qu’elle se trouvait justement sur son passage...

Les raisons expliquant son départ soudain ne m'intéressent plus. J'ai passé trop de temps à essayer de comprendre pourquoi elle m'avait lâché si subitement pour me prendre la tête avec cette histoire aujourd'hui. Elle a beau avoir été mon premier et dernier amour, désormais, elle appartient au passé. Je suis passé à autre chose, depuis belle lurette déjà. Je décide donc de mettre un terme à cette conversation en lui souhaitant de passer une bonne journée. Je me fous complètement de passer pour le mec sournois et arrogant à cette heure-ci. Je suis blessé et j'ai bien trop de fierté pour lui pardonner. C'est ridicule, je le sais. Ma croyance est fondée sur le pardon. Mais comme tout être humain, je suis bourré de vices. Je ne suis pas parfait et j'en suis totalement conscient. Ainsi, lorsqu'elle m'interpelle à nouveau, je ne peux m'empêcher de lever les yeux aux ciel. Alors, quoi ? Elle est si désespérée que ça ? Pourquoi insister encore après les propos que j'ai pu tenir à son égard ? Un peu de fierté, Franny ! Finalement, le ton de sa voix est bien plus autoritaire que ce qu'il n'avait pu être un peu plus tôt. Je fronce les sourcils tandis qu'elle vient à nouveau me barrer le chemin. Je n'ai aucune envie de poursuivre cette conversation. Et, pourtant, je l'écoute d'une oreille attentive. Elle admet ses erreurs et compatis avec moi. Tant mieux, si elle reconnait avoir mal agi. Seulement, elle ne s'arrête pas là. Non, mademoiselle me reproche indirectement d'être un type arrogant se croyant supérieur aux autres, notamment à elle. Je rêve où les rôles viennent de s'être inversés ? J'écarquille les yeux face à elle, ne sachant même plus trouver les mots pour rétorquer quoi que ce soit. Alors, là, c'est l'hôpital qui se fout de la charité. Elle est très mal placée pour jouer les donneuses de leçons. Puis, elle n'hésite pas en rajouter une couche en me reprochant de ne pas avoir cherché pas à la comprendre. Elle plaisante, j'espère ? J'ai essayé de la comprendre. Et ce, pendant des années. Mais ça, elle ne le sait pas. Non, parce qu'elle était absente à ce moment-là. Puis, ce n'est pas comme si je ne lui avais pas demandé de m'expliquer les raisons de son départ il y a de cela quelques minutes à peine. « Je n'ai jamais dis ça, ne détourne pas mes propos. », dis-je simplement pour conclure tout cela. Pour boucler la boucle. Finalement, elle reprend la parole, un peu plus calmement cette fois. Malgré les années passées sans l'avoir eu près de moi, je connais Franny par cœur. Ainsi, lorsqu'elle clôt les paupières, je ne peux m'empêcher de me sentir mal pour elle. Car, malgré cette apparence de gros dur que j'essaie de me donner en ce moment, j'ai en fait un petit cœur caché derrière ce regard noir. Un petit cœur tout mou qui lui en veut beaucoup d'être partie sans au moins avoir pris le temps de dire au revoir. Trop fier pour ajouter quoi que ce soit à son discours, je la regarde simplement s'éloigner de moi. Je la suis du regard, tentant tant bien que mal de réellement faire le deuil de notre histoire. Car, au fond, j'ai toujours le sentiment que notre histoire n'a jamais été aboutie. Je soupire, m'apprêtant à reprendre mon chemin lorsque je repère une voiture prête à lui foncer dessus. Ayant à peine le temps de réfléchir à quoique ce soit, je me précipite vers elle, la tirant brutalement vers moi. Plus de peur que de mal. Lorsque la voiture passe devant nous je ne peux m'empêcher de hurler : « Espèce d'enfoiré, tu peux pas regarder devant toi ! » Des paroles que le chauffard n'aura sans doute pas entendues, mais qu'il fallait que j'extériorise.

Leo & Franny

‶Remember what we used to be″
---------------------------------

Elle était furieuse. Contre lui, qui la traitait comme s’il avait voulu la voir disparaître, comme si elle n’avait jamais existé, mais aussi contre elle-même, et contre la manière dont ils se comportaient tous les deux. Elle ne voulait pas que les choses se terminent de cette manière, elle ne voulait pas oublier et pas seulement parce que son thérapeute lui avait dit que renouer avec son passé pourrait l’aider à aller mieux. C’était trop idiot, trop absurde. Mais elle était trop fière pour revenir en arrière, admettre qu’elle était peut-être allée trop loin et qu’elle ne voulait pas qu’il l’exclue purement et simplement de sa vie. Ils habitaient la même ville, que croyaient-ils ? Qu’ils allaient pouvoir s’ignorer, faire comme si l’autre n’existait pas quand ils risquaient fortement de se croiser régulièrement ? Elle n’en savait rien et pour le moment elle n’y réfléchissait pas vraiment. Elle était fatiguée, fatiguée de devoir essuyer des attaques alors qu’elle essayait seulement de s’en sortir comme elle le pouvait, fatiguée de ne pas parvenir à parler, à raconter ce qu’il lui était arrivé. Elle savait au fond d’elle qu’elle ne pouvait espérer qu’il l’écoute ou même tente de la comprendre tant qu’elle ne lui aurait rien expliqué. Oui, elle le savait, mais se voir rejetée de la sorte comme si elle n’était plus rien l’avait blessée et avait eu pour effet de réveiller sa colère. Elle ne comprenait pas, non elle ne comprenait pas qu’il puisse à ce point mépriser le souvenir de ce qu’ils avaient été alors qu’il demeurait si précieux pour elle, même après tout ce temps. Elle avait été heureuse, et surtout très amoureuse, et malgré tout ce qui avait pu passer, elle ne le regrettait pas un instant. Elle aurait seulement voulu que les choses tournent différemment, et qu’il ne soit pas blessé. Mais l’avait-il été ? Il semblait être si facilement passé à autre chose, si prompt à l’oublier qu’elle ne savait plus vraiment quoi penser. Jamais il ne s’était montré aussi froid et dur avec elle. Voilà qu’à présent il lui reprochait de détourner ses propos. Elle-même lui reprochait de ne pas l’écouter, de ne même pas lui accorder le bénéfice du doute. La connaissait-il donc si peu ? Ignorait-il que jamais elle ne serait partie de cette manière si elle n’avait pas eu une bonne raison ? Elle en venait presque à regretter que ses parents ne se soient jamais décidés à lui avouer la vérité malgré tout. Pourtant, c’était ce qu’elle avait voulu, le silence. Elle était perturbée, déboussolée et ne savait plus quoi penser. S’éloigner était la meilleure solution, en particulier parce qu’elle sentait qu’elle était proche de laisser des larmes s’échapper, et il était hors de question qu’il les voit. Elle s’éloigna, d’abord à reculons, puis s’apprêta à se retourner. La suite se déroula tellement vite qu’elle n’eut pas le temps de réagir. Elle se sentit brusquement saisie et tirée vers l’avant. Ce n’est que lorsqu’elle vit la voiture passer et entendit les cris de Leo qu’elle comprit ce qui venait tout juste de se produire. Une fois la peur passée, elle releva doucement la tête et le regarda. « Merci... » Ca lui semblait idiot, mais c’était tout ce qu’elle trouvait à dire. Ils étaient proches, beaucoup trop proche. Elle était comme figée, incapable de réfléchir ou de savoir quoi faire. Ses yeux bleus le regardaient, semblant incapables de se détourner.